Mise au point
Fécondation in vitro au cours du lupus érythémateux systémique ou du syndrome des antiphospholipides : mise au pointIn vitro fertilization and systemic lupus erythematosus or antiphospholipid syndrome: An update

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2014.08.004Get rights and content

Résumé

L’infertilité n’est pas majorée au cours du lupus érythémateux systémique ou du syndrome des antiphospholipides, mais, de la même façon que dans la population générale, les patientes peuvent nécessiter une fécondation in vitro pour concevoir. Ceci expose potentiellement les femmes à un risque de poussée de lupus, de thrombose et de syndrome d’hyperstimulation ovarienne. Le but ici est de réaliser une mise au point sur la fécondation in vitro au cours du lupus systémique ou du syndrome des antiphospholipides et d’en évaluer les risques. Les données de la littérature sont relativement pauvres et sont composées de 3 séries. La première série met en évidence parmi 17 patientes et 63 cycles d’induction d’ovulation/fécondation in vitro, 25 % de poussées lupiques, l’absence de thrombose et 3 % de syndrome d’hyperstimulation ovarienne. La deuxième rapporte parmi 10 patientes et 40 cycles de fécondation in vitro, 31 % de poussées de lupus, l’absence de thrombose ou de syndrome d’hyperstimulation ovarienne. Enfin, la troisième rapporte, parmi 34 patientes et 83 procédures de fécondation in vitro, 8 % de poussées, 5 % de thromboses et l’absence de syndrome d’hyperstimulation ovarienne. De façon intéressante dans cette dernière étude, une partie des complications était attribuée à une non-adhésion des patientes. Ces chiffres relativement rassurants ne doivent pas faire oublier que ces fécondations in vitro doivent être programmées et encadrées au même titre que les grossesses survenant chez ces patientes.

Abstract

Fertility is not impaired in systemic lupus erythematosus or antiphospholipid syndrome, but, similarly to the general population, these patients may undergo in vitro fertilization. This type of treatment increases the risk of lupus flare, thrombosis, and ovarian hyperstimulation syndrome. This review will focus on in vitro fertilization in systemic lupus erythematosus or antiphospholipid syndrome. Literature data are relatively scant with only 3 reported studies. The first one included 17 patients and 63 cycles of induction ovulation/in vitro fertilization leading to 25 % of lupus flare, no thrombosis, and 3 % of ovarian hyperstimulation syndrome. The second study included 10 patients and 40 cycles of in vitro fertilization showing 31 % of lupus flare, no thrombosis and no ovarian hyperstimulation syndrome. The last one included 34 patients and 83 procedures of in vitro fertilization leading to 8 % of flares, 5 % of thrombosis and no ovarian hyperstimulation syndrome. Interestingly, in this last study, half of the complications were explained by poor adherence to treatment. These data are reassuring but it is important to remember that in vitro fertilization should be scheduled and carefully supervised in the same way as the high-risk pregnancies occurring in these patients.

Introduction

La fertilité des patientes présentant un lupus érythémateux systémique (LES) ou un syndrome des antiphospholipides (SAPL) est considérée comme normale, sauf chez celles qui ont été exposées au cyclophosphamide [1]. Néanmoins, ces femmes peuvent présenter une infertilité de façon similaire à la population générale [2]. Les praticiens qui suivent des patientes ayant un LES ou un SAPL peuvent donc être amenés à donner l’éventuel feu vert voire à encadrer une fécondation in vitro (FIV).

Les risques maternels des grossesses spontanées survenant chez les patientes avec LES ou SAPL, sont essentiellement les poussées de lupus et les thromboses [3]. Ce risque est accru par les procédures de FIV du fait de l’élévation des taux plasmatiques d’estradiol, secondaire à la stimulation ovarienne [4]. Initialement, les premières données de la littérature rapportaient des cas isolés de complications graves [5], [6], [7], [8], puis l’évolution a montré que la programmation et l’encadrement des procédures de FIV permettaient de limiter ces risques [4], [9], [10].

Le but de ce travail est de réaliser une mise au point sur cette situation peu fréquente et de montrer la relativité des risques encourus.

Section snippets

Infertilité au cours du lupus érythémateux systémique et du syndrome des antiphospholipides

Il existe différentes causes d’infertilité dans le lupus comme l’aménorrhée transitoire accompagnant les poussées sévères, l’hypofertilité provoquée par l’insuffisance rénale et l’insuffisance ovarienne secondaire au cyclophosphamide [11], [12], [13]. Le cyclophosphamide est un agent alkylant qui induit une insuffisance ovarienne primaire. Sa gonadotoxicité est dose et âge-dépendant [2], [14], [15]. Il entraîne une altération des follicules ovariens, soit par le biais d’une diminution de la

Rappels sur les principes de la fécondation in vitro

La première étape correspond à l’hyperstimulation ovarienne contrôlée (induction d’une ovulation multi-folliculaire afin d’obtenir un ou plusieurs embryons). L’axe hypothalamo-hypophysaire est contrôlé via le freinage de la GnRH et de la FSH endogènes, à l’aide d’analogues de la GnRH (agonistes ou antagonistes) exogènes, puis une stimulation est provoquée par FSH exogène elle aussi [1], [26]. Ensuite, de l’hCG humaine exogène (hormone gonadotrophine chorionique) ou recombinante, est administrée

Complications de la FIV dans la population générale

Les procédures de FIV sont associées à une augmentation du risque de thrombose qui varie selon les études de 0,08 % à 0,2 % [29], [30]. Ceci s’explique par les taux plasmatiques d’estradiol, qui sont 10 fois plus élevés pendant la stimulation ovarienne (1500 pg/mL), que chez les femmes non enceintes (150 pg/mL). Notons tout de même que ces taux sont eux-mêmes 100 fois moins importants qu’à la fin de la grossesse (150 000 pg/mL) [1], [31], [32].

Une étude portant sur 19 000 patientes a montré que le

Risques de la fécondation in vitro au cours du lupus érythémateux systémique et du syndrome des antiphospholipides

Les risques sont difficiles à évaluer précisément car outre quelques cas cliniques [5], [6], [7], [8], seulement 3 séries de FIV pratiquées chez 17, 10 et 34 patientes respectivement ont été rapportées, la dernière sous forme d’abstract seulement [4], [9], [10]. Les principaux risques sont les poussées de lupus, les thromboses et le SHO.

Dans la première série [4], parmi 17 patientes et 63 cycles d’induction d’ovulation/FIV, il y avait 25 % de poussées, l’absence de thrombose et 3 % de SHO (

Taux de grossesses obtenues par FIV chez les patientes présentant un lupus érythémateux systémique ou un syndrome des antiphospholipides

Les données de la littérature montrent que les succès des FIV et le taux de naissances vivantes sont satisfaisants chez les patientes lupiques ou ayant un SAPL [4], [9], [10].

Dans la première série [4], parmi les 17 patientes et 63 cycles d’induction d’ovulation/FIV, 32 % des cycles ont abouti à une grossesse, parmi lesquelles 52 % se sont cependant terminées avant 20 semaines d’aménorrhée (SA). Quarante-huit pour cent des grossesses se sont soldés par une naissance vivante (Tableau 3).

Dans la

Quelques points pratiques

Le feu vert pour la FIV est idéalement donné lors de la consultation préconceptionnelle.

En l’absence actuelle de recommandations internationales, nous proposons la prise en charge suivante :

  • maintien de l’hydroxychloroquine (voire introduction si besoin) dans tous les cas de LES ;

  • si le lupus est calme depuis au moins 6 mois et qu’il est modéré (pas d’antécédent d’atteinte rénale ou neurologique centrale), l’éventuelle corticothérapie est maintenue à la même dose ;

  • en cas d’atteinte plus sévère

Conclusion

Cette analyse de la littérature montre que chez des patientes lupiques ou ayant un SAPL sélectionnées et prises en charge de façon adaptée, les FIV peuvent être menées sans sur-risque majeur de poussée ou de thrombose, en comparaison aux grossesses lupiques obtenues de manière spontanée [3], [53]. De la même façon que pour la grossesse, la FIV doit idéalement être programmée au sein d’une consultation préconceptionnelle qui permet d’apporter toutes les informations nécessaires à la patiente.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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    • Pregnancy in systemic lupus erythematosus and antiphospholipid syndrome

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      Citation Excerpt :

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    • A comprehensive review of the clinical approach to pregnancy and systemic lupus erythematosus

      2016, Journal of Autoimmunity
      Citation Excerpt :

      The onset of thrombotic complications also seems not to be a major concern, because the observed incidence is quite low and always linked to the lack of an adequate prophylactic therapy. The risk of Ovarian Hyperstimulation Syndrome (OHSS) is also comparable to that observed in the general population (3–8%), with an incidence ranging from 0% to 8.9% [164,165,168]. Another question is whether the presence of autoimmunity could somehow influence the efficacy of the procedures.

    • Pregnancy and rheumatic diseases

      2020, Zeitschrift fur Rheumatologie
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